Fin janvier, notre référent pédagogique Henri Lelorrain s'est rendu à Ziguinchor au Sénégal pour accompagner les équipes locales dans la création de nouveaux jeux pour apprendre à lire et à écrire. La création de jeux suit une méthodologie composée de plusieurs étapes et doit respecter un cadre. En effet, les jeux doivent répondre aux attentes exigées par le Curriculum d'Education de Base (CEB) et ses objectifs éducatifs.
47,5%*, c'est le pourcentage d'élèves scolarisés au Sénégal qui n'atteignent pas les objectifs du Curriculum d'Education de Base (les référentiels) en matière d'apprentissage de la lecture et de l'écriture selon le Programme d’Analyse des Systèmes Educatifs (PASEC) de la CONFEMEN (Conférence des Ministres de l'Education Nationale) regroupant 19 pays d'Afrique. Cela s'explique notamment par les sureffectifs en classe (parfois plus de 60 par classe), le manque de moyens et de matériels etc… les raisons de cette situation sont multiples et semblent parfois insolubles. Conscients de ces faiblesses et lacunes, les enseignant.e.s ne se résignent pas, font face et restent motivé.e.s pour faire réussir les enfants, malgré tout. A ce titre, elles et ils sont preneur.se.s de toute initiative ou de tout nouvel outil qui les aideraient dans leurs défis quotidiens.
C'est justement ce que PLAY vise à offrir dans le cadre du projet Ejo (Phase 2 débutée en avril 2023), avec le soutien de l'Agence française de développement (AFD). L’objectif général du projet Ejo Phase 2 est : « Encourager le développement et l’ancrage communautaire et institutionnel de la pratique sportive des enfants comme vectrice d’épanouissement, de cohésion et d’éducation réussie » et son objectif spécifique 2 est : « Promouvoir et ancrer le jeu sportif comme méthodologie pédagogique de l’éducation formelle et non formelle reconnue capable de répondre aux enjeux scolaires et sociétaux par la société civile ».
Pour répondre à cet objectif, PLAY a notamment entrepris la création de séances de jeux sportifs pour favoriser l’apprentissage des mathématiques, de la lecture et de l’écriture à l’école. Un ensemble de 6 jeux sur la numération et des opérations simples a déjà été créé et déployé au Burundi, Sénégal et Liberia. Ces jeux ont montré leur efficacité et leur pertinence pour aider les enfants à mieux apprendre à l’école.
C'est dans ce cadre qu'une session de co-création de nouveaux jeux sportifs éducatifs pour apprendre à lire et écrire a eu lieu à Zinguichor.
Ces jeux devaient répondre à 3 objectifs :
1. Répondre aux attentes du référentiel et en cela créer des jeux qui proposent une continuité éducative pratique à la théorie enseignée en classe,
2. Permettre d’apprendre et de maîtriser différemment les bases de la lecture, de l’ordonnancement et de l’écriture de l’alphabet, des syllabes et de mots,
3. Donner du plaisir à l’apprentissage grâce au jeu.
En quoi consiste la co-création ?
L’intérêt de cette création de contenus réside avant tout dans son lien avec la réalité des besoins et des moyens sur place, puisque réalisée conjointement avec des inspecteurs de circonscriptions, des formateurs d’enseignant.e.s, des enseignant.e.s et des directeur.rice.s d’école, en établissement. A partir d’un diagnostic préalable, plusieurs enjeux, contraintes et préconisations ont été mis en discussions : forme du jeu, durée, simplicité, plaisir pris, levier éducatif, lien avec les référentiels, adaptabilité, etc…autant de critères qui ont été débattus, retenus, déclinés.
C'est avec la collaboration de 10 professionnels (enseignants, inspecteurs, formateurs...) du Ministère de l’Éducation Nationale du Sénégal, 1 animateur de l’association ASSCAN et 6 membres de PLAY International que 3 jeux déclinables en 3 versions ont été co-créés en petits groupes :
- Identifier, ordonner et reproduire des lettres
- Maîtriser la méthode combinatoire
- Associer images et mots
A partir des jeux "Compter" déjà créés et déployés au Burundi, au Libéria et au Sénégal, mais aussi de leurs expériences, les professionnel.le.s du ministère de l’Education Nationale sénégalais ont souhaité élaborer des jeux qui soient notamment :
- Faciles à mettre en place avec peu de règles,
- Aisément compréhensible pour les enfants,
- De temps court, environ 30 ou 40 mn max,
- Coopératifs autant que faire se peut,
- Participatifs pour inclure tous les enfants en même temps dans les exercices,
- En lien direct avec le Guide Pédagogique
- Progressifs : lecture puis lecture et écriture, par exemple.
Après la théorie, place à la pratique
Pour valider chaque jeu créé, il est nécessaire de les tester en conditions réelles. Dans un premier temps à hauteur d'adultes puis avec les enfants.
Chaque groupe a préparait le terrain en bornant l’espace de jeu, installant le matériel nécessaire (chasubles, coupelles, cerceaux, ardoises, etc…) puis, un ou deux animateurs par groupe mettait la séance en place en l’expliquant à ses pairs ; autant que faire se peut, les jeux étaient mis en place et les participants des autres groupes prenaient la place des enfants et pratiquaient les activités.
Les objectifs des tests étaient vérifier que :
- le schéma de jeu fonctionne
- les consignes sont compréhensibles
- l’objectif est atteignable pour des enfants de 5 à 8 ans
- les enfants interagissent bien
- la nécessité d’ajouter de nouvelles règles (par exemple plus de temps pour que les enfants établissent des stratégies collectives)
Une fois ces 3 séances effectuées, le retour en salle était l’occasion d'échanger collectivement et de revenir, groupe par groupe, sur les séances jouées et de relever ce qui allait ou pas, ce qu’il fallait modifier et comment améliorer l’ensemble. Par exemple, le temps d’installation et la manipulation des ardoises par les enseignants devant mettre en place la séance, écrire des lettres puis des mots a montré la nécessité d’appuyer sur la progressivité et de découper les séances en plusieurs jeux s’enchainant en s’appuyant sur les acquis du jeu précédent ou qui pourraient être déployés indépendamment et séparés les uns des autres.
Dans la suite de la session de la cocréation, 2 matinées de tests ont pu être déployées avec les classes d’enseignants ayant pris part à l’écriture des séances.
Ce qui étaient observés :
- efficacité du jeu : utile pour s’entrainer à mieux connaitre l’alphabet (oral et écrit) mais nécessité de variables selon l’âge et le niveau des enfants
- bon fonctionnement de la coopération entre les enfants
- facilité du déploiement du jeu par l’enseignant(e)
- nécessité d’adapter le matériel (outils en bois à la place de papiers à cause du vent)
La session de co-création a fait, juste avant sa clôture, l’objet d’une évaluation anonyme de la part des professionnel.le.s du Ministère qui y ont participé. Les 10 questions posées portaient autant sur l’organisation et la logistique que sur l’ambiance et les relations de travail ou encore sur la méthodologie utilisée et surtout sur le résultat et le regard porté sur les jeux : les jeux créés répondent à 89/% aux objectifs du CEB, et le même pourcentage confirme que ces jeux pourront être testés par les enseignants parce qu’ils se sentent à l’aise pour le faire. En cela, l’objectif initial de la co-création est rempli en montrant en outre une adhésion confirmée au projet.
Ces jeux seront à leur tour testés au Burundi et au Libéria, puis suivront les formations d'enseignants et le déploiements des jeux dans les trois pays.
* Source : Resume-PASEC2019_Senegal.pdf (confemen.org)